Recueil de citations
EPOQUE CONTEMPORAINE (XIXe-XXIe) : LA VIOLENCE

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Afin de compléter les annales que vous pouvez consulter à tout moment depuis la rubrique SE PREPARER, nous vous proposons un recueil de citations qui complétera vos cours pour l’épreuve de culture générale sur le thème du monde.

Ce recueil de citations ne présume en rien des sujets du concours 2024 à venir.

Alfred de Musset, Lorenzaccio, 1834.

                  « De quel tigre a rêvé ma mère enceinte de moi ? »

 

Commentaire : Alfred de Musset (1810 – 1857) décrit dans ce drame romantique la vie du florentin Lorenzo de Médicis qui est en 1537 sur le point d’assassiner le tyran Alexandre de Médicis. Mais il hésite à commettre un acte pourtant apparemment fondé en raison. Répondre à la violence par la violence n’est jamais simple, et devient dans ce monologue délibératif un véritable cas de conscience. La métaphore du tigre représente de façon imagée toute l’animalité présente dans l’homme, la part bestiale, monstrueuse, capable d’une violence physique inhabituelle pour un homme, en l’occurrence le meurtre.

Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, 1838.

       « Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leurs jouissances et de veiller sur leur sort. »

 

Commentaire : Alexis de Tocqueville (1805-1859) décrit le fonctionnement de l‘Etat démocratique Dans la deuxième partie de l’ouvrage, et dans ce chapitre 6, il réfléchit paradoxalement sur le genre de despotisme que les nations démocratiques ont à craindre. Il associe ainsi deux formes de gouvernement antithétiques, et sous une forme oxymorique il fait comprendre que l’Etat démocratique exerce une douce tyrannie sur ses concitoyens. Cette violence bien réelle prend paradoxalement le masque de la protection. Le citoyen démocratique préfère être soumis à un Etat qui assure sa sécurité et lui procure un bien-être plutôt que d’être autonome et chargé d’assurer lui-même sa protection.

George Sand, Lucrezia Floriani, 1847.

                  « Les amours réputés impossibles sont précisément ceux qui éclatent avec le plus de violence. »

 

Commentaire : George Sand (1804-1876), nom de plume d’Aurore Dupin, romancière romantique, a fait scandale par ses amours tumultueuses et a revendiqué une liberté de la femme. Elle valorise dans cette affirmation la puissance du désir et du sentiment amoureux au-delà des conventions sociales. Plus les passions sont hors normes, plus elles éclatent avec violence, c’est-à-dire avec une intensité particulière.

Emile de Girardin, Les pensées et maximes, 1867

                  « Il est un principe supérieur qui dirige ma polémique et ma conduite : c’est le principe qui tend à substituer en tout la liberté de discussion à la violence de la force. »

 

Commentaire : Emile de Girardin (1802-1881) est un homme politique et un journaliste qui a milité pour les libertés publiques, notamment la liberté de la presse et la liberté individuelle. Le débat et l’échange public deviennent pour lui des substituts à la violence réelle de la guerre ou de la répression politique.

Ernest Renan, Questions contemporaines, 1868.

                  « Ce qui est désordre, violence, attentat au droit d’autrui, doit être réprimé sans pitié. »

 

Commentaire : Ernest Renan (1823-1892), érudit ouvert à la fraternité et à la générosité des coeurs, dénonce tout ce qui peut enfreindre l’ordre public. Il le condamne sans appel, et sans aucune forme de tolérance. La violence est à prendre au sens large d’un usage de la force physique ou psychique.

Léon Tolstoï, Guerre et Paix, 1869.

                  « La vérité doit s’imposer sans violence. »

 

Commentaire : Léon Tolstoï (1828-1910) décrit dans ce long roman la Russie de l’époque napoléonienne, lorsque Bonaparte pénètre en Russie en 1912. Il se livre à une réflexion sur la violence et sur l’histoire. Dans cette courte citation, il rappelle la place centrale de la vérité dans sa pensée et dans son oeuvre. IL voulait revenir à un vrai Christianisme, et lutter contre toute forme de violence, et la guerre en particulier. LA vérité fait autorité par elle-même, aux hommes de l’écouter

Henri Lacordaire, Oeuvres, 1872.

                  « L’injustice appelle l’injustice ; la violence engendre la violence. »

 

Commentaire : Lacordaire (1802 – 1861) exprime ici un point de vue religieux traditionnel contre la violence, avec la foi d’un homme passionné de justice et de liberté. Il milite pour la révolution de 1848, en étant favorable à un catholicisme libéral, et en souhaitant intégrer les catholiques dans un régime nouveau. La violence destructrice est ici critiquée comme étant stérile, et non constructive. La force éclairée par un projet humaniste lui est préférable.

Robert Louis Stevenson, L’Etrange cas du Dr Jekyll et de M. Hyde, 1886.

                « Avec une force simiesque, il se mit à fouler aux pieds sa victime, et à l’accabler d’une grêle de coups telle qu’on entendait les os craquer et que le corps rebondissait sur les pavés. »

Commentaire : Stevenson (1850-1894) est un romancier écossais célèbre pour ce court roman fantastique, qui raconte le dédoublement de personnalité du héros, tantôt civilisé, et s’appelant Dr Jekyll, , tantôt pervers, et s’appelant Mr Hyde. La description prend ici la forme d’une hypotypose pour faire ressentir au lecteur la violence inouïe du meurtre commis de sang-froid. Cette violence physique, pulsionnelle, montre la capacité de destruction d’autrui qu’il y a potentiellement dans l’être humain.

Friedrich Nietzsche, Le crépuscule des idoles, 1888.

                  « Le Christianisme est une métaphysique du bourreau. »

 

Commentaire : Friedrich Nietzsche (1844 – 1900) développe dans cet ouvrage une critique de la tradition philosophique rationaliste, et de la morale. Il fustige en particulier 4 erreurs : l’erreur de la confusion entre la cause et l’effet, l’erreur de la causalité fausse, l’erreur des causes imaginaires et l’erreur du libre arbitre. Cette citation lapidaire et paradoxale a de quoi choquer l’opinion. Le Christianisme est généralement considéré comme une religion altruiste, fondée sur l’amour du prochain. Mais la violence, apanage des faibles, est pour Nietzsche le propre de la psychologie sacerdotale. Les maîtres chrétiens sont des gens qui aiment faire souffrir. Ces forces réactives s’arrogent le droit de punir leurs victimes, animées d’une logique du ressentiment, qui engendre la haine et la violence.

Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, 1903.

                  « La guerre et le courage ont fait plus de grandes choses que l’amour du prochain. »

 

Commentaire : Friedrich Nietzsche (1844 – 1900) critique dans ce long poème philosophique les forces réactives de la religion qui vont à l’encontre de l’épanouissement de l’homme. Celui-ci trouve dans l’ardeur au combat et les ressources intérieures qu’il développent une nouvelle conscience de lui-même et de son potentiel inexploité. »

Jack London, Les vagabonds du rail, 1907

                  « L’homme se distingue des autres animaux surtout en ceci : il est le seul qui maltraite sa femelle, méfait dont ni les loups ni les lâches coyotes ne se rendent coupables, ni même le chien dégénéré par la domestication. »

 

Commentaire : Jack London (1876-1916) relate dans ces 9 récits autobiographiques son vagabondage à l’âge de 18 ans, à travers les Etats-Unis. Dans cette comparaison, Jack London reconnaît que l’homme use de sa liberté pour faire du mal, contrairement à l’animal, qui reste déterminé par son instinct. La violence serait l’apanage de l’homme, mais dans son récit, il distingue les riches et les pauvres. Il a trouvé en effet la solidarité et l’amour auprès de ceux qui n’ont rien et partagent tout.

Max Weber, Le Savant et le Politique, 1919.

                « L’État est cette communauté humaine qui, à l’intérieur d’un territoire déterminé, revendique pour elle-même et parvient à imposer le monopole de la violence physique légitime »

 

Commentaire : Max Weber (1864 – 1920) est considéré comme une des fondateurs de la sociologie. Selon cette célèbre définition, la spécificité de l’Etat ne réside pas dans ses activités, mais dans la capacité à exercer en droit une violence répressive, pour garantir la sureté publique et pour réprimer toute transgression de la loi civile. Les formes que peut revêtir cette violence sont les diverses sanctions appliquées selon la loi civile, pouvant aller jusqu’à la peine de mort. La force publique que représente la police et les militaires sont les instruments d’application de cette violence, mais cela peut s’étendre à d’autres forces privées, du moment qu’elles sont légitimées par l’Etat. Les limites non définies de cette extension peuvent rendre cette citation problématique

Romain Rolland, Mahatma Gandhi, 1924.

« La violence n’est le credo d’aucune religion. »

Commentaire : Romain Rolland (1866-1944) est un écrivain et un artiste épris de pacifisme, et ouvert aux philosophes de l’Inde. Il fait connaître la non-violence de Gandhi par cet ouvrage et affirme ici à quel point la violence est proscrite par toutes les religions du monde. Néanmoins, la montée des fascismes en Europe auront raison de cette position et il s’engagera plus ouvertement pour la défense de l’URSS.

Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation, 1930.

« La civilisation doit tout mettre en oeuvre pour limiter l’agressivité humaine. »

Commentaire : Freud (1856 -1939) est un neurologue autrichien, fondateur de la psychanalyse. Il reconnaît le rôle du Christianisme pour endiguer l’agressivité constitutionnelle de l’être humain. Le commandement du Christ : « aime ton prochain comme toi-même » permet de souder la collectivité, comme un Surmoi qui dominerait les pulsions naturelles. La civilisation se construit dans cette domination, par les lois civiles, une morale, un système de valeurs et l’institution religieuse qui le cautionne.

Bertolt Brecht, Sainte Jeanne des abattoirs, 1930.

« Là où règne la violence, il n’est de recours qu’en la violence ; là où se trouvent les hommes, seuls les hommes peuvent porter secours. »

Commentaire : Bertold Brecht (1898-1956) est un dramaturge allemand contemporain, qui écrit en 1930 cette pièce qui montre avec réalisme le chômage ouvrier, les grèves et les manifestations des ouvriers des abattoirs contre les industriels. Dans cette affirmation, il valide la révolte ouvrière comme seul réponse possible aux mauvais traitements subis et à la précarité sociale.

Vladimir Jankélévitch, Le Pur et l’impur, 1932.

« Il ne serait pas exagéré de définir la violence comme une force faible. »

Commentaire : Jankélévitch (1903 – 1982) explore les domaines de l’addiction et de la violence. Cette affirmation repose sur un oxymore : « une force faible ». En d’autres termes, la violence est une fausse force, car elle détruit tout alors que la véritable force est canalisée, domestiquée par l’homme. Jankélévitch a lutté tout sa vie contre la violence et l’illusion de force qu’elle représente. Elle est source de confusion et non de renouveau, d’agression, non de construction. Le sérieux, au contraire, permet une réelle construction et procure de la force.

Albert Camus, L’Etranger, 1942.

« Le procureur s’est mis à parler de mon âme. Il disait qu’il s’était penché sur elle et qu’il n’avait rien trouvé. »

Commentaire : Albert Camus (1913 – 1960) donne à son lecteur, dans ce roman célèbre, le sentiment de l’absurde. Accusé pour le meurtre d’un arabe croisé sur une plage éblouissante de soleil, Meursault assiste à son procès dans la deuxième partie du roman. Curieusement, l’argumentation du procureur dévie de l’acte proprement dit vers l’âme de l’accusé. Il lui reproche de ne pas avoir d’âme pour ne pas avoir pleuré à la mort de sa mère. Cette citation illustre le pouvoir de la justice et l’injuste violence qui peut s’exercer à couvert à travers elle.

Hermann Hesse, Le jeu des perles de verre, 1943.

« L’histoire universelle, c‘est l’interminable récit, sans esprit ni ressort dramatique, de la violence faite au plus faible par le plus fort.»

Commentaire : Hermann Hesse (1877-1962) est un romancier allemand qui a essayé dans ce chef d’oeuvre se contrer l’évolution politique de l’Allemagne nazie. Dans cette affirmation, l’auteur constate, un peu désabusé, le maintien persistant de l’inégalité naturelle entre le plus faible et le plus fort. Le droit du plus fort a pourtant été remis en question dans l’histoire, notamment depuis le XVIe siècle en Europe avec la naissance de la philosophie moderne du droit et la création d’une justice civile. Cette permanence interroge les limites de cette justice.

Paul Valéry, Tel quel, 1943.

« La violence marque toujours la faiblesse. Les violents en esprit s’arrêtent toujours aux premiers termes de leurs pensées. Les résonances fines leur échappent ; et l’on sait que dans cet ordre de finesse se dissimulent les indices et les relations les plus profondes. »

Commentaire : Paul Valéry (1871-1895) a été témoin des violences des deux guerres mondiales. Cet ouvrage est un recueil de pensées, un témoignage de l’effervescence intellectuelle de son auteur. La pensée fait la grandeur de l’homme. Pour Valéry, la violence est une expression de la force brute, bestiale de l’homme et non de sa pensée. Celle-ci se déploie, évolue en subtilités qui permettent de dépasser le stade de la
violence. La véritable force de l’homme lui vient de sa pensée et la violence n’est que l’expression de sa forme primaire.

Albert Camus, Caligula, 1944.

« Je n’ai pas pris la voie qu’il fallait, je n’aboutis à rien. Ma liberté n’est pas la bonne. »

Commentaire : Albert Camus (1913 – 1960) développe dans son oeuvre littéraire un humanisme fondé sur la prise de conscience de l’absurde. Dans cette pièce de théâtre, l’empereur romain Caligula pratique une violence absurde, démesurée, sur tous ses sujets, pour faire l’expérience de sa liberté. Cet arbitraire total est une voie sans issue : elle a accentué sa solitude et a précipité sa mort, puisqu’il sera victime d’une conspiration.

Gandhi, Lettres à l’ashram, 1948

« La non-violence est la loi de notre espèce tout comme la violence est la loi de l’animal. »

Commentaire : Gandhi (1869-1948) est un apôtre de la non-violence, qui s’appelle « ahimsa » dans la philosophie indienne, et désigne l’action ou le fait de ne causer nulle violence à nulle vie. Il en fait un principe de vie politique, d’où le terme de « loi », qui mène à la désobéissance civile de masse, à la résistance pacifiste contre toutes les formes d’oppression. C’est pourquoi il trouve en elle l’expression de l’humanité de l’homme, contrairement à sa part animale, qui se caractérise par la violence brutale.

Georges Bataille, L’Erotisme, 1957.

« Essentiellement, le domaine de l’érotisme est le domaine de la violence, le domaine de la violation. »

Commentaire : Georges Bataille (1897 – 1962) est un philosophe contemporain. Cette affirmation permet de revenir au sens étymologique de la violence. Issu du latin « vis », signifiant la force, il a comme sens officiel l’utilisation intentionnelle de la force physique à l’encontre des autres ou de soi-même, donc la violation d’une intégrité, la profanation de quelque chose considéré comme sacré. Dans le domaine de l’érotisme, le mot « viol », désigne justement la profanation d ‘une intégrité sacrée de la personne. Ainsi, la cration d’un nouvel être se fait par la mort des cellules reproductrices.

Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, 1960.

« La violence se donne toujours pour une contre-violence, c’est-à-dire une réponse à la violence de l’autre. »

Commentaire : Sartre (1905 – 1980), en s’interrogeant sur le rôle de la violence dans l’histoire, fait de la présence de l’autre un fait premier. La violence apparaît ici comme induite par la présence de l’autre, de mon semblable, qui ne me reconnaît pas spontanément comme tel. La violence serait donc une réaction à la présence de l’autre. En effet, l’autre provoque en moi une blessure narcissique, un sentiment de honte ou de gêne. En m’arrachant à moi-même, il exerce une violence à laquelle je réponds de façon violente.

Martin Luther King, 10 décembre 1964, 1964.

« Civilisation et violence sont des concepts antithétiques. »

Commentaire : Prix Nobel de la paix en 1964, Martin Luther King (1929-1968) est un apôtre de la non-violence, définie comme une opposition à la violence qui ne nuit ni de cause de tort à autrui. IL lutte contre toutes les
formes de violence présentes à son époque, de la ségrégation raciale, comme l’affaire Rosa Parks en 1865, à la guerre du Vietnam, en passant par la pauvreté. Il oppose ici le comportement violent et l’idéal de civilisation auquel l’homme aspire et au nom duquel les Etats-Unis se sont construits.

Jean Guéhenno, Ce que je crois, 1964.

« Aucune violence n’a jamais ajouté à la grandeur des hommes. »

Commentaire : Jean Guéhenno (1890-1978) a été profondément pacifiste, et porte un jugement moral sur la violence. La grandeur de l’esprit ne peut être associé à la violence, au contraire, elle avilit l’homme, et l’a toujours fait. Il étend sa remarque à toutes les formes de violence.

René Barjavel, La faim du tigre, 1966.

« Les armes totales sont les fruits convenables de cet arbre miraculeux et absurde dont la sève est le sang répandu. »

Commentaire : René Barjavel (1911 – 1985) est un écrivain et journaliste qui utilise dans cet ouvrage un humour voltairien pour dénoncer l’utilisation de la bombe atomique à des fins malthusiennes pour limiter l’explosion démographique. Dans cette citation, il fait de l’acte de tuer un instinct primordial de l’homme. Il parle dans cette citation de l’intelligence humaine avec la métaphore de l’arbre. Le génie humain a ainsi progressé par le développement des armes et de la violence qui les accompagne. Le XXe siècle a révélé en particulier l’absurdité de cette évolution, par la remise en question de l’idée de progrès, dont cet extrait est porteur.

Mikhaïl Boulgakov, Le Maître et Marguerite, 1967.

« Tout pouvoir est une violence exercée sur les gens. »

 

 

Commentaire : Mikhaïl Boulgakhov (1891-1940) est un écrivain russe puis soviétique, a travaillé ce roman pendant 12 ans. L’intrigue de cette oeuvre complexe, à la fois réaliste et fantastique, se situe à Moscou dans les années 30 puis à Jérusalem sous Ponce-Pilate. IL se livre ici à une réflexion sur le pouvoir et la pression illégitime, contraignante qu’il exerce sur els populations. Cette critique a une portée universelle, ce qui peut amener à réfléchir sur la légitimité du pouvoir mis en place et rappeler la pensée de Weber.

Georges Gusdorf, La Vertu de force, 1967.

« Toute violence, par-delà le meurtre de son prochain, poursuit son propre suicide. »

Commentaire : Georges Gusdorf (1912-2000) est un philosophe contemporain, qui a montré comment l’homme est capable d’échapper à son déterminisme. Cette formulation peut sembler paradoxale. Elle repose en fait sur l’obstacle que peut représenter la liberté d’autrui. Celui sur lequel la violence est exercée peut en effet opposer une résistance. Cette réaction crée alors une tension, par laquelle la violence exercée peut se trouver amoindrie.

Albert Cohen, Belle du Seigneur, 1968.

« Babouinerie et adoration animale de la force, le respect pour la gente militaire, détentrice du pouvoir de tuer. »

 

 

Commentaire : Albert Cohen (1895 – 1981) est un romancier suisse romand, influencé par ses racines juives, qui raconte dans ce roman la passion morbide de Solal et d’Ariane. Cette tirade de Solal, héros du roman, s’inscrit dans une satire de l’amour, qui ne consisterait qu’à voir et admirer chez l’autre le meurtrier potentiel. La force est entendue ici comme la puissance meurtrière, la violence. Cette puissance de
mort est ce qui fascine et attire vraiment. La ressemblance avec les einges apparaît implicitement dans le mot « babouinerie

René Girard, La Violence et le Sacré, 1972.

«C’est la violence qui constitue le coeur véritable et l’âme secrète du sacré. »

Commentaire : René Girard (1923 – 2015) fonde une anthropologie de la violence et du religieux. Il montre dans cet ouvrage comment le désir mimétique a fait naître le conflit dans les sociétés primitives. Le sacré est la réponse que les hommes ont trouvée au problème de la violence. En effet, la logique du bouc émissaire permet de créer un exutoire à la violence par une victime expiatoire et de donner ainsi à la société la possibilité de survivre. Ce sacrifice du bouc émissaire n’en reste pas moins un acte violent et injuste.

Jean-Pierre Guay, Mis en liberté, 1974.

« Dis-moi, quelle violence est pire que le silence ? »

 

 

Commentaire : Jean-Pierre Guay (1946 – 2011) est un écrivain québécois qui exprime dans cette interrogation la violence du non-dit et de l’absence de communication. Le vide du langage enferme l’individu et la parole peut libérer cet enfermement vécu comme une agression.

Peter Singer, La Libération animale, 1975.

 

« L’animal qui tue avec le moins de raisons de le faire est l’animal humain. »

Commentaire : Peter Singer (né en 1946) est un philosophe utilitariste australien qui a oeuvré pour la protection des animaux. Cette affirmation paradoxale rejette la traditionnelle supériorité de l’homme par rapport aux animaux dits sauvages. L’auteur condamne le spécisme pour rendre aux animaux leur innocence. En effet, l’animal tue pour se nourrir, contrairement aux hommes, capables de tuer pour rien, voire de torturer leurs semblables, comme l’histoire le montre.

Jacques Salomé, T’es toi quand tu parles, 1991

« Quand il y a le silence des mots, se réveille trop souvent la violence des maux. »

 

 

Commentaire : Jacques Salomé (né en 1935) est un psychologue français qui s’est intéressé à la communication dans les familles. Il dénonce ici par un jeu de mots la violence du non-dit, source de tension et de mal-être psychologique. La libération de la parole permet de dépasser cette violence.

René Girard, Shakespeare. Les feux de l’envie, 1990.

 

« Il faut voir dans les mythes le récit nécessairement déformé d’une violence collective spontanée qui rassemble à nouveau une communauté que la rivalité mimétique a fait voler en éclats. »

Commentaire : René Girard (1923-2015) est célèbre pour sa fameuse théorie du bouc émissaire. Toute communauté est fragile, et le désir mimétique d’avoir ce que l’autre possède crée des tensions et des risques de dissensions internes. Les mythes tragiques y remédient : ils exhibent en effet un héros porteur des maux de la société. Il devient, comme OEdipe dans OEdipe-Roi, l’objet porteur des vices maléfiques, et
son sacrifice rétablit l’ordre public. La violence sacrificielle qui s’exerce contre lui rassemble alors toutes les violences indifférenciées de la société et l’empêchent de sombrer dans le chaos.

Robert Sabatier, Le livre de la déraison souriante, 1991.

« Un violent est un homme qui croit gagner au-dehors la bataille qu’il a perdue au-dedans. »

 

 

Commentaire : Robert Sabatier (1923-2012) est un écrivain français qui décrit avec humour le paradoxe de la violence, en en faisant l’expression d’une faiblesse intérieure, comblée par un comportement extérieur marqué par l’agressivité contre autrui. Elle n’est plus qu’une forme d’illusion compensatrice.

Malcolm X, L’autobiographie de Malcolm X, 1993.

 

« On me dit prêchant la violence, je réponds que c’est un mensonge. Je ne suis pas pour la violence gratuite, mais pour la justice. »

Commentaire : Malcolm X ((1925–1965), ardent défenseur des droits civiques de l’homme afro-américain, était reconnu comme un grand prédicateur. Il oppose dans cette précision une violence agressive, destructrice, et une violence propre à rétablir un équilibre social et des droits légitimes. Cette notion de justice se trouve au coeur de son militantisme.

Boris Cyrulnik, Les Nourritures affectives, 1993

« La violence animale naît de l’altération des lois de la nature, alors que la violence humaine naît de leur transgression dans la parole et la civilité »

 

 

Commentaire : Boris Cyrulnik (1937 -) est un médecin neuropsychiatre français, engagé notamment pour la défense des droits des animaux. Il oppose ici la violence animale et la violence humaine. Les animaux ne sont pas naturellement violents, ils réagissent de façon violente à la détérioration de l’équilibre de l’écosystème dans lequel ils évoluent. L’homme, au contraire, résulte de la manière dont l’homme transgresse le plus souvent volontairement et consciemment ces lois, lorsqu’il utilise de façon violente la parole et lorsqu’il a des pratiques inciviles. Néanmoins, la parole et des activités socialisantes comme le jeu peuvent être des moyens d’endiguer cette violence humaine.

Isabelle Alonso, Pourquoi je suis chienne de garde, 2001.

« La violence verbale est la première étape de la violence générale contre les femmes. »

 

 

Commentaire : Isabelle Alonso (née en 1953) est une romancière féministe, qui a fondé l’association sexiste « Chiennes de garde » pour lutter contre les insultes sexistes à l’égard de Dominique Voynet, ministre de l’environnement en 1999. Elle dénonce dans cette affirmation l’impact que les mots peuvent avoir, comme instruments de la violence masculine. L’agressivité du langage précède la violence physique. Cette violence peut être à la fois orale et écrite.